Témoignage de Mme Anne-Laure Girard (Professeur de droit public), concernant l’utilisation de la vidéothèque de l’Université de Poitiers « UPtube », dans le cadre de la mise en place de la continuité pédagogique (crise sanitaire – Covid-19).

Mes enseignements sont destinés à des étudiants de Licence 2 de droit, mais dans une petite promotion puisque je dispense mon cours de droit administratif dans une antenne au centre universitaire de la Charente. Le cours de droit administratif est organisé de la façon suivante en temps ordinaire, 3 heures de cours magistral chaque semaine (que j’assure) et deux heures de travaux dirigés (assurés par un doctorant- cette année Emma Fiedler).

Je suis à l’université de Poitiers depuis 2012 et s’il m’est arrivé d’utiliser avant cela certaines technologies innovantes en matière d’enseignement (comme le R.E.D. lorsque j’avais de grands amphis),  je n’ai pas utilisé tout l’éventail des outils numériques jusqu’ici.

 

Le dispositif d’enseignement à distance que j’ai mis en place dans le cadre de la continuité pédagogique comprend : une version écrite du cours sur UP’Dago, des ressources complémentaires téléchargeables ainsi qu’un forum pour répondre aux différentes questions, puis les cours au format vidéo sur UPTube. En complément de ce dispositif, le TD est dispensé sous forme de classe virtuelle par le responsable. Enfin, j’utilise occasionnellement mon compte twitter pour mettre un peu de légèreté, les encourager, sortir du cadre formel et dédramatiser la situation.

 

Pour moi, c’est vraiment la nécessité qui a fait loi. J’ai reçu à l’instar de mes collègues un tutoriel du Doyen m’informant de la possibilité de réaliser des cours vidéo. Bien que n’ayant aucune compétence spécifique en informatique, j’ai trouvé cela abordable.

Quelles que soient les pratiques développées, il est important que les étudiants aient le support écrit (cours magistral et TD) car certains ont de mauvaises connexions, d’autres sont réquisitionnés (gendarmes de réserve, aides-soignants, etc). Il ne s’agit évidemment pas de développer des pratiques excluantes. Nous avons par ailleurs dans ce contexte reçu la consigne de l’équipe décanale de privilégier les modalités asynchrones pour tenir compte de la situation de tous nos étudiants.

 

  • L’avantage des vidéos sur UPtube est l’accès aux statistiques de consultation. La première vidéo mise en ligne a été consultée près de 150 fois alors que j’ai 50 étudiants. Elle est donc très utile et visionnée.

 

  • Les fonctionnalités de l’outil sont faciles à prendre en main et sécurisantes vis-à-vis du contenu. J’ai l’impression de maîtriser totalement mon support pédagogique grâce à UPtube: possibilité de mettre une vidéo hors ligne, possibilité de supprimer la vidéo, de restreindre l’accès. On ne perd donc pas la main sur le produit. Je n’ai pas forcément envie que n’importe qui puisse accéder à mon cours vidéo et je trouve les barrières proposées rassurantes.

 

  • Il me semble que la vidéo (avec support écrit) compense de la meilleure manière possible l’absence de cours en présentiel même si elle ne pourra jamais offrir l’équivalent d’un face à face: (entendre les soupirs quand on va trop vite, avoir une main qui se lève pour rebondir sur un élément juste exposé, faire des schémas au tableau pour expliquer autrement ce qui vient d’être dit et leur laisser le temps de souffler dans la prise de note).
  • Les interactions dans le cadre de l’utilisation de ces outils asynchrones restent assez faibles. Mise à part l’accès aux statistiques (qui prouve que les vidéos sont consultées), je n’ai pas de retour sauf un mail de remerciements et quelques réactions positives via twitter. Le forum est également peu fréquenté pour le moment, mais l’outil sera probablement plus utile à l’approche des examens.

 

  • C’est un outil stressant quand on ne le maîtrise pas, c’est-à-dire au début. J’ai dû « refaire des prises » après des hésitations ou parce que je pensais n’avoir pas été suffisamment claire. C’est un support qui demande beaucoup d’énergie car il ne faut pas ânonner son texte. Il faut essayer de rendre la vidéo vivante, dynamique, je glisse une ou deux « plaisanteries » de temps en temps pour humaniser le support, comme si j’étais en face d’eux. On est un peu obligé de « s’écouter parler » pour se mettre dans la tête de l’étudiant dont on ne peut pas croiser le regard ou voir la tête, pour chercher les points à préciser au fur et à mesure que l’on parle.

 

  • La précision nécessaire implique un temps de travail assez important. Concevoir intellectuellement un cours vidéo est en effet un travail très chronophage lorsque l’on n’est pas habitué. Compter en moyenne 6 heures pour une séance (environ 1h30 de vidéo) alors que le cours est déjà monté et écrit et qu’il était prêt à être dispensé en présentiel. C’est le temps nécessaire pour l’adapter, faire les enregistrements, charger les vidéos sur Uptube, récupérer les liens, les mettre sur UPdago, prévenir les étudiants etc.

 

Ces dispositions m’ont paru indispensables car j’étais avec les étudiants le vendredi 13 mars dernier (jour avant la fermeture de l’université). Ces derniers étaient très angoissés et certains m’ont dit qu’un support écrit paraissait insuffisant pour remplacer le cours en présentiel. J’ai donc cherché à enrichir mon enseignement pour compenser au mieux l’absence de face à face, en employant des mots simples dans les vidéos et en donnant un maximum d’exemples concrets.